Une semaine au cabinet du dispensaire de Joal...

Une semaine au cabinet du dispensaire de Joal...

Nous sommes arrivés à Joal la veille et après avoir pris contact avec les autres membres de l'équipe lors d'une soirée animée, il est temps de rejoindre le dispensaire où Monsieur S. dentiste de son état, nous prête son cabinet.

Après avoir traversé des couloirs inondés de blancheur et de lumière, nous arrivons devant la porte. Une longue file d'attente patiente sagement, certains ont fait une longue route pour voir le dentiste français.Nous frappons, et le sémillant docteur S. nous prie d'entrer.

Je ne vois rien. L'antre est noir et une odeur de sang et de sueur me saute au visage. La fenêtre et la porte sont capitonnées, sans doute pour étouffer les cris des patients...Une ampoule nue tremblote.

Le docteur S. entreprend Denis de confrère à confrère, lui parle d'implants, de radios numériques, et dresse une liste non exhaustive de ses besoins, espérant sans doute que SAMBEN y pourvoira.

Profitant d'une accalmie, Denis me prend par le bras, et me chuchote à l'oreille"va m'attendre chez Antoinette, tu ne peux pas rester là".

Je résiste, je suis venue à joal pour aider ! Le docteur S, trouvant ma présence déplacée, m'enjoint de m'asseoir au bureau avec mon petit cahier. Mes yeux s'étant entre temps accoutumés à l'obscurité, je découvre un fauteuil taché de sang. J'y pose un quart de fesse, et la journée commence. Denis exige de Moussa, l'assistant , le changement d'instruments à chaque patient. De mon poste d'observation, je vois alors des choses inimaginables.

L'électricité étant aléatoire, l'ampoule ne tarde pas à s'éteindre, et c'est à l'aide d'une lampe frontale, que Denis va extraire.Il ne tardera pas à l'avoir incrustée, telle un troisième oeil au milieu du front.

Quant à la stérilisation, elle consiste en une bassine d'eau additionnée de Javel dans laquelle Moussa jette les instruments. Il les récupère dix minutes plus tard, pour les plonger dans une autre bassine, contenant de l'eau savonneuse, puis les repêche et les essuie avec un chiffon en soufflant un peu dessus pour accélérer le sechage. Entre temps, il a manipulé l'argent que les patients lui donne pour payer les soins effectués par le docteur S.

Denis travaille la peur au ventre. Il craint de contaminer les patients. il ne fait que de la chirurgie donc le sang est omniprésent.

Les patients payent les consultations de 1,50 euros, ce qui correspond à trois jours de nourriture. C'est trés cher pour eux. les dents sont très abîmées, et il ne peut pas être questtion de soins sur plusieurs séances, donc l'arrachage reste la seule solution.

Mais pas de panique, sous anesthésie quand même! Le patient repart avec une dose d'antibiotique afin d'éviter une infection, quant aux antalgiques, il doit les acheter à la pharmacie du dispensaire. mon rôle sera de payer à leur place.

Un homme arrive, il a voyagé toute la nuit, et souffre énormément, mais il n'a pas d'argent. Monsieur S. refuse de le soigner. Denis s'insurge, et lui dit qu'il travaille bénévolement, donc qu'il peut le soigner sans le faire payer. Le docteur S. s'y oppose sous prétexte que demain, il y aura deux cent personnes venues pour se faire soigner gratuitement...

Profitant d'une journée où Monsieur S. est absent, Denis explique au gentil Moussa les règles élémentaires d'hygiène. Mais pas de Javel, elle n'est changée dans la bassine que tous les quatre jours!

Que dire d'autre. Dans des conditions telles, sans eau, sans électricité, donc sans stérilisation, comment être sûr de ne pas transmettre des maladies à une population qui est déjà dans une précarité sans nom.

J'aurai bien voulu vous raconter une histoire plus agréable, malheureusement la réalité est là. Nous qui sommes des enfants privilégiés de la terre, comment rester insensibles devant tant de misères?

Marie-Claude